Le kiné sanctionné… pour trop de travail : une situation absurde qui illustre la crise du système de santé
À Mantes-la-Jolie, dans les Yvelines, un kinésithérapeute expérimenté, Frédéric Juge, vient de recevoir un courrier pour le moins surprenant de la part de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM). Le motif ? Un “excès de patients”. Autrement dit, la Sécurité sociale lui reproche… de trop travailler.
Installé depuis plus de trente ans dans une commune où les professionnels de santé manquent cruellement, le praticien a vu son activité croître au fil du temps. Dans cette zone considérée comme désert médical, il accueille jusqu’à huit patients par tranches de trente minutes, en adaptant les séances selon les besoins et les équipements disponibles. Une organisation pragmatique, qui lui permet de maintenir un suivi pour tous ses patients, malgré la pénurie.
Une pratique adaptée à l’évolution du métier
La CPAM reproche à Frédéric Juge d’avoir “dépassé les quotas” de facturations, estimant que la prise en charge simultanée de plusieurs patients constitue une anomalie. Pourtant, comme de nombreux kinésithérapeutes, il a fait évoluer sa pratique grâce à la technologie : appareils de rééducation, plateformes vibrantes, programmes personnalisés… autant d’outils qui permettent de suivre plusieurs patients efficacement, sans sacrifier la qualité du soin.
« Avant, on faisait tout à la main. Aujourd’hui, les machines nous assistent et rendent possible une prise en charge plus fluide, » explique-t-il. Dans son cabinet, les patients effectuent leurs exercices sous supervision, tout en bénéficiant de bilans et de conseils personnalisés. Une méthode moderne, conforme à la réalité du terrain — mais que les textes administratifs semblent ignorer.
Une punition pour les soignants de terrain
Pour le praticien, la situation est incompréhensible : « On me reproche de soigner trop de monde dans une région où les médecins et les kinés manquent. Si je refuse des patients, ils n’auront simplement plus de soins ». Une logique difficile à admettre, surtout dans un contexte de désertification médicale croissante.
Cette mise en cause illustre une dérive inquiétante : des règles comptables déconnectées des besoins réels de la population. Alors que la demande de soins explose, certains professionnels dévoués se voient menacés de sanctions pour avoir voulu maintenir l’accès aux soins.
Un symbole d’un système à bout de souffle
L’affaire Frédéric Juge met en lumière le décalage croissant entre l’administration et le terrain. D’un côté, des kinésithérapeutes qui innovent, s’adaptent et tiennent à bout de bras des territoires entiers ; de l’autre, une bureaucratie qui applique des quotas sans tenir compte des réalités humaines.
La kinésithérapie, longtemps sous-évaluée, se retrouve une fois de plus en première ligne — entre passion du soin et contraintes absurdes. Si rien ne change, les patients risquent de payer le prix fort : moins de rendez-vous, plus d’attente, et une offre de soins encore plus restreinte.